Chapitre VIII

Chapitre VIII

Myrtô, le lendemain, prolongea après la messe sa station à la chapelle. Elle avait besoin de prendre, dans la prière, une réserve de force et de confiance, pour l’avenir qui se présentait maintenant si angoissant.

Au moment où elle s’apprêtait à se retirer, elle vit, en tournant la tête, la femme de chambre de la comtesse Gisèle.

Que voulez-vous, Constance ? murmura-t-elle.

Madame la comtesse prie Mademoiselle de venir lui parler.

Myrtô s’inclina devant l’autel et gagna le premier étage… Dans sa chambre, la comtesse, encore au lit, causait d’un air animé avec sa fille cadette assise près d’elle.

Arrivez, petite malheureuse ! s’écria-t-elle à la vue de Myrtô. Qu’est-ce que cette histoire colportée à l’office par Marsa, et suivant laquelle vous auriez adressé des reproches au prince Milcza, à propos de Miklos ?…

C’est la vérité, ma cousine, répondit fermement Myrtô.

Vous avez osé !… Mais c’est inouï !… Et pour un pareil motif ! Étiez-vous folle, voyons ?

Mais aucunement. J’ai vu là mon devoir, je l’ai accompli… Maintenant, il en sera ce que Dieu voudra, dit Myrtô avec calme.

La comtesse leva les bras au plafond.

C’est-à-dire que mon fils va m’obliger à ne plus m’occuper de vous, qu’il vous faudra quitter Voraczy !… Franchement, Myrtô, je ne sais comment qualifier votre acte ! Dans votre position, vous deviez, plus que tout autre, faire taire votre amour-propre, votre susceptibilité…

Il ne s’agit pas de susceptibilité, ma cousine ! Mais il m’était impossible de voir traiter cet enfant avec une telle dureté, un pareil dédain, sans protester pour le défendre !

Irène eut un petit ricanement ironique.

Quelle amazone vous faites ! Si vous étiez un homme, je vous vois fort bien en chevalier partant en guerre pour défendre le faible et l’opprimé contre un impitoyable tyran. En la circonstance, celui-ci était représenté par le prince Milcza. Mais c’est vous qui perdez la victoire, intrépide chevalier ! Vous vous êtes, présomptueusement, attaquée à plus fort que vous.

Je le sais, et je suis prête à en subir les conséquences, répondit froidement Myrtô.

Oh ! vous êtes vraiment bien avancée ! s’écria la comtesse avec irritation. Et je me trouve responsable vis-à-vis de mon fils, puisque c’est moi qui vous ai amenée ici !

Le cœur de Myrtô se serra. N’aurait-on pas cru, vraiment, qu’elle venait de commettre quelque impardonnable faute ?… Les larmes remplissaient ses yeux, et elle sortit un peu précipitamment, ne voulant pas les laisser voir au regard malveillant d’Irène.

Aurais-je cru que cette enfant me donnerait tant d’ennuis ! gémit la comtesse. Elle semblait si douce, si soumise !

Oh ! pas tant que cela, maman ! Je l’ai toujours devinée très fière, très énergique pour tout ce qu’elle considère comme un devoir… Et ce mot “devoir” renferme, pour elle, des scrupules parfois exagérés, ou des audaces incroyables — nous en avons la preuve aujourd’hui.

Enfin, elle me met dans de cruels embarras. Je me demande de quelle façon Arpad va prendre tout cela !

Ce sera un moment à passer, maman. Arpad comprendra que vous ne pouviez bien connaître le véritable caractère de cette presque étrangère… Et je dois vous avouer que cet incident, fort ennuyeux au premier abord, me paraît excellent pour nous.

Que veux-tu dire, Irène ?

N’avez-vous pas pensé, maman, que cette affection croissante de Karoly pour Myrtô était des plus inquiétantes ? L’enfant n’aurait certainement pas voulu se séparer d’elle pendant l’hiver, et, Myrtô ne pouvant demeurer seule ici, le prince nous aurait obligées à y rester avec elle… Un hiver à Voraczy, dans la solitude complète, y pensez-vous, maman ?

C’est vrai, Irène, dit la comtesse avec consternation.

Elle enfonça un instant la tête dans son oreiller et reprit d’un hésitant, un peu ému :

C’est égal, je suis ennuyée pour cette enfant, que m’a recommandée sa mère, et qui est vraiment tout à fait sympathique.

Irène eut un léger mouvement d’épaules.

Que voulez-vous, maman, ce n’est ni votre faute, ni la mienne, mais la sienne uniquement ! Maintenant, le mal est fait, nous n’y pouvons rien, toutes nos demandes réunies ne pèseraient pas un fétu contre la décision du prince Milcza.

Malheureusement, non ! soupira la comtesse.

Pendant ce temps, Myrtô, rentrée dans sa chambre, pleurait silencieusement. La froide ironie d’Irène, l’irritation et les reproches de la comtesse lui avaient nettement montré qu’elle n’avait à attendre de ses parentes ni soutien moral, ni affection véritable. Elle était bien seule sur la terre… en apparence seulement, car elle possédait Celui qui n’abandonne jamais ses créatures, le Dieu d’amour qui a dit : “Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles.

Allons, il fallait maintenant chercher une autre voie ! Tout à l’heure, elle ferait demander au Père Joaldy s’il pouvait la recevoir. Le bon prêtre lui donnerait certainement d’utiles conseils, il saurait guider sa pauvre petite brebis un peu désemparée…

Un coup léger fut frappé à la porte… C’était Thylda, la jeune femme de chambre hongroise attachée au service de Fräulein Rosa et de Myrtô.

Marsa fait prévenir Votre Grâce que le prince Karoly l’attend avec impatience et s’agite beaucoup en ne la voyant pas venir.

Myrtô eut un léger sursaut de stupeur… Marsa n’agissait évidemment que par ordre. Fallait-il penser que le prince Milcza considérait comme non avenu l’incident de la veille ?

Le fait paraissait si invraisemblable, étant donné ce qui avait été dit à Myrtô et ce qu’elle avait observé elle-même de la nature du jeune magnat, qu’elle demeura, un moment, indécise, se demandant si elle devait se rendre à l’appel de l’enfant.

Elle s’y décida enfin, et, ayant quitté sa robe noire, elle prit le chemin du temple grec.

Karoly l’accueillit avec des transports de joie. Son petit visage plus pâle, plus fatigué qu’à l’ordinaire, rayonnait de bonheur.

Oh ! ma Myrtô, j’ai cru que nous vouliez pas venir !… Et j’ai tant pleuré cette nuit, parce que papa était si fâché hier après vous ! Il m’avait dit que c’était fini, que je ne vous verrais plus… Cela m’a fait tant de chagrin que j’ai eu la fièvre très fort, et papa a permis alors que vous reveniez, tous les jours, mais jusqu’à quatre heures seulement.

Jusqu’à quatre heures… c’est-à-dire un peu avant qu’il ne vînt lui-même près de l’enfant. Pour son fils malade, il consentait à passer outre sur son ressentiment, mais non au point de se retrouver avec Myrtô.

Elle en éprouva un profond soulagement. Après la scène de la veille, une rencontre entre eux n’aurait pu être qu’excessivement désagréable.

La comtesse et ses filles, quand Myrtô leur apprit à déjeuner la nouvelle, jetèrent des exclamations de surprise.

Vous avez de la chance, Myrtô ! dit Irène d’un ton acerbe. Si Karoly ne vous avait en si grande affection, au point de tomber malade en entendant parler de ne plus vous voir, vous n’en auriez pas été quitte à si bon compte… Mais j’avoue que je suis terriblement inquiète pour notre hiver, ajouta-t-elle en se tournant vers sa mère et sa sœur.

Ces dernières inclinèrent la tête d’un air soucieux, et Terka murmura :

Nous n’y pouvons rien, Irène.

Non, rien ! fit rageusement la cadette en jetant à Myrtô un coup d’œil malveillant.

* * *

… Après cette alerte, la vie reprit pour Myrtô comme auparavant, avec trois heures de liberté en plus chaque après-midi. Elle les employait à faire un peu d’exercice, à visiter aux alentours du château quelques pauvres familles auxquelles elle donnait ses conseils et ses soins, à défaut de l’argent qui n’existait guère dans sa maigre bourse.

C’était pour elle chose infiniment pénible de ne pouvoir soulager tant de misères. Le prince Milcza ne se souciait pas de tous ces êtres qui vivaient sur ses domaines… Et Myrtô pensait avec un peu d’irritation combien il lui eût été facile cependant de répandre des bienfaits autour de lui.

Mais non, il préférait se faire redouter de tous, exercer sur son entourage un despotisme impitoyable. Il importait vraiment bien peu, à cet orgueilleux, d’être aimé et béni des humbles !

Une fin d’après-midi, Myrtô, en revenant d’un misérable village slovaque, rencontra le Père Joaldy, de retour, lui aussi, d’une visite charitable. En causant des pauvres gens qu’ils venaient de voir, ils revinrent lentement vers le château.

Oh ! mon Père, quelle misère ! dit la voix frémissante de Myrtô. Pensez-vous vraiment, que si vous en parliez au prince Milcza, il ne viendrait pas en aide à ces malheureux ?

Le vieux prêtre secoua la tête.

Il me donne chaque année une somme considérable pour mes charités, mais hors de là, je ne dois lui parler de rien… Pauvre prince ! Pauvre cher prince ! dit-il avec une soudaine émotion.

Il est dur et impitoyable ! s’écria Myrtô dans un sursaut de révolte.

Hélas ! son cœur s’est endurci à la suite de sa cruelle désillusion ! Mais moi, mon enfant, je l’ai connu tout autre. À l’époque de sa première communion, c’était un petit être à l’âme délicate et aimante, un peu orgueilleux et volontaire déjà, à cause des adulations de son entourage, mais infiniment séduisant et charmeur. Il avait une grande affection pour moi et supportait seulement de ma part les reproches. Plus tard, lancé dans le mouvement mondain, il dérobait sous une apparence sceptique, sous une indifférence hautaine, les aspirations d’un cœur très ardent, d’une âme dont les instincts élevés, la délicatesse innée le préservaient d’écarts dangereux. Cependant, je voyais avec douleur que la profonde piété de son enfance n’existait plus, que sa foi était menacée dans cette ambiance de frivolité et d’incrédulité mondaine où il vivait. J’appelais de tous mes vœux l’instant où il rencontrerait une femme chrétienne et sérieuse, qui saurait garder pour le bien et pour la vérité cette si belle âme menacée de s’égarer… Hélas ! il rencontra cette Russe, cette créature perverse !

Et le vieillard soupira douloureusement.

… Avec un cœur tel que le sien, la désillusion devait être plus terrible et laisser des traces plus profondes que chez tout autre. Le dernier acte de cette malheureuse créature, qui faillit coûter la vie à son fils, la faiblesse persistante de l’enfant, la crainte perpétuelle de perdre cet être bien-aimé, une sorte de défiance haineuse de l’humanité en général et du sexe féminin en particulier, peut-être aussi une profonde blessure d’orgueil en voyant qu’il s’était laissé prendre à des dehors menteurs — tout cela a contribué à faire de cet être si admirablement doué, et qui n’a pas trente ans, une sorte de misanthrope, au cœur dur, à l’âme fermée pour tout ce qui n’est pas son fils, son unique amour. En un mot, le prince Milcza est un malade moral. Le seul remède serait pour lui le retour à la foi… Hélas ! depuis ses malheurs, il s’est au contraire éloigné complètement de la religion !

Le prêtre et Myrtô marchèrent quelques instants dans un silence pensif… Le Père Joaldy demanda tout à coup :

Le petit Miklos est-il revenu près de Karoly ?

Non, hélas ! Karoly l’a demandé à son père, mais il s’est heurté à un refus catégorique… Et vous dites que cet homme a été bon, mon Père ! dit Myrtô d’un ton de protestation.

Allons, allons, ne vous indignez pas tant, ma petite enfant ! dit paternellement le vieux prêtre. Je vous le répète, il est malade moralement, sa générosité d’autrefois, ses instincts élevés et chevaleresques semblent avoir disparu dans la tourmente dont son pauvre cœur a été le théâtre. Mais ils ne sont pas morts, je ne le crois pas… je ne veux pas le croire ! Chaque jour, je prie Dieu pour qu’il fasse luire sur cette âme une bienfaisante lumière.

Alors, c’est à une farouche misanthropie qu’il faut attribuer aussi sa froideur envers sa mère, son indifférence et sa dureté vis-à-vis de son frère et de ses sœurs ?

Oui, tout ceci en dérive. Il faut vous dire, d’abord, que la comtesse Gisèle n’a jamais eu aucune autorité sur son fils, et l’a même assez peu connu. Annihilée par le prince Sigismond, son premier mari, elle n’avait pas de droit sur l’enfant que son père, nature ardente et despotique, voulait élever seul. Quand il mourut, la tutelle du jeune prince fut confiée au prince André Milcza, son grand-oncle, qui l’idolâtrait et en fit une sorte de petit souverain absolu. Là encore, la mère n’avait pas voix au chapitre, il lui était permis seulement d’admirer son fils. Une autre nature eût profondément souffert de cette situation, mais la princesse Gisèle sut en prendre assez facilement son parti… Cependant, personne, en la circonstance, ne trouva étonnant qu’elle acceptât un second mariage — personne, sauf son fils. Il en montra un violent mécontentement, dû moins au fait de cette seconde union qu’à l’antipathie que lui inspirait le comte Zolanyi. La suite montra que sa précoce intelligence avait bien deviné quant à la piètre valeur morale de cet homme… il y eut dès lors une sorte de brouille entre la mère et le fils. Les rapports, déjà peu intimes, se firent très froids, très cérémonieux, bien que toujours corrects… Puis vint la mort du comte, la ruine pour sa femme et ses enfants. Le prince Arpad, qui venait de se marier et commençait déjà à sentir les dures épines de la désillusion, leur donna son aide sans hésiter, avec une générosité parfaite, sans un mot qui pût ressembler à un reproche, mais sans élan affectueux non plus. Déjà son cœur se resserrait sous l’étreinte de la souffrance… Et plus tard, il a un peu reporté sur ses sœurs et sur sa mère elle-même, quelque chose de son universelle et amère défiance, en même temps que ses instincts autoritaires, déjà encouragés par le système d’éducation de son grand-oncle, se transformaient en ce despotisme étrange qui n’épargne personne… Mais peut-être, s’il avait trouvé chez sa mère, chez les jeunes comtesses, un peu moins d’esprit mondain, un peu plus de fortes vertus chrétiennes, leur influence, à la longue, aurait-elle tout au moins atténué cette triste disposition de son âme.

Peut-être, dit pensivement Myrtô. Mais comment, étant donné cette froideur de rapports, la comtesse vient-elle vivre ainsi une partie de l’année à Voraczy ?

Pour Karoly, uniquement. Ce séjour de sa grand’mère et de ses tantes fait un changement pour l’enfant — à l’ordinaire, du moins, car cette année, c’est vous, vous seule, mademoiselle Myrtô… N’est-ce pas l’ispan Bulhocz que je vois venir là-bas ?

Oui, je le crois, mon Père.

C’était en effet Casimir Buhocz. Il s’arrêta près du prêtre et de Myrtô et les salua en disant :

Je viens d’apprendre une bien mauvaise nouvelle, mon Père.

Laquelle donc, mon ami ?

Des tziganes, au retour de pérégrinations en Orient, ont rapporté ici les germes d’une maladie terrible et peu connue encore, une sorte de fièvre qui est à peu près sûrement mortelle, pour les adultes, surtout. S’ils en réchappent, leur santé reste profondément atteinte, il leur demeure très souvent quelque pénible infirmité, leur visage garde les marques de la maladie et devient un masque hideux.

C’est une sorte de petite vérole, alors ! dit Myrtô.

Cela s’en rapproche sous certains côtés, mais en pire encore. La maladie est moins dangereuse pour les enfants, quand ils sont bien constitués on les sauve assez facilement.

Mais je n’ai pas entendu parler de cela ! dit le Père Joaldy avec surprise.

Les tziganes le cachaient, mais un homme du village de Lohacz vient d’être atteint et l’effroi s’est répandu aussitôt. Ce soir, tout le monde le saura. Je viens de prévenir à Voraczy, pour que Son Excellence prenne les mesures nécessaires.

L’ispan salua et s’éloigna.

Une pareille épidémie sera chose terrible parmi tous ces pauvres gens ! dit le Père Joaldy avec une douloureuse émotion. Mais il va falloir, mon enfant, cesser vos visites charitables.

Oui, à cause du petit Karoly… Voilà qui va faire trembler le prince Milcza, mon Père.

Oh ! les habitants du château n’auront rien à craindre ! Le prince va prendre les mesures les plus sévères, nul ne pourra sortir au-delà du parc, le moindre objet nécessaire entrant à Voraczy sera soumis à une désinfection rigoureuse… Oh ! l’enfant n’a rien à craindre ! il sera gardé de l’épidémie comme il l’est du moindre danger.

En rentrant au château, Myrtô alla quitter sa toilette de sortie et descendit pour gagner le salon où se tenaient habituellement la comtesse et ses enfants. Au bas de l’escalier elle rencontra Terka et Mitzi, les inséparables.

Eh bien ! vous savez la nouvelle ? dit l’aînée. Il paraît que nous sommes menacés d’une épouvantable épidémie.

Oui, le Père Joaldy et moi venons de rencontrer l’ispan Buhocz qui nous l’a appris.

Oh ! ici nous n’aurons rien à redouter, le prince Milcza va prendre des mesures draconiennes. Ce sera fort intéressant !… Mais en la circonstance, nous nous y soumettrons volontiers, car tout vaut mieux que de risquer pareille maladie !

Et un long frisson secoua Terka.

Les jeunes filles se dirigèrent vers le salon… La comtesse et Irène, penchées sur un journal, levèrent vivement la tête à leur entrée.

Tiens, lis ceci, Terka ! s’écria la comtesse en tendant le journal à sa fille. Un épouvantable incendie dans un théâtre de Boston… Parmi les victimes, Mrs. Burnett, née Alexandra Ouloussof…

Terka saisit vivement la feuille, tandis que, de l’âme de Myrtô pénétrée de tristesse chrétienne, s’élevait une prière pour la malheureuse qui avait déserté tous ses devoirs et qu’une mort épouvantable venait de saisir ainsi à l’improviste.

Arpad le saura-t-il jamais ? Il lit fort irrégulièrement les journaux, et personne ne s’aviserait ici de prononcer ce nom devant lui, fit observer la comtesse.

Qu’il le sache ou non, je pense que cela n’a aucune importance, répliqua Irène. Ce n’est pas le prince Milcza, tel que nous le connaissons maintenant, qui aura jamais l’idée de se remarier !



À suivre...



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